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Enfance & Famille

Bel-Air fait tomber les murs de la forteresse « école »

Type d'action

  • Développement social
  • Lien social
  • Liens intergénérationnels
  • Inclusion
  • Education
  • Parentalité
  • Loisirs

Département

Seine-et-Marne (77)

Sur le vif

« L’école, le centre d’accueil, Arché, c’est comme une famille. Plutôt que de trainer, on vient ici et quand on arrive au collège, on se rend compte qu’on a plus appris que les autres élèves. S’il n’y avait pas eu tout ça, non seulement je ne préparerai pas un bac scientifique, mais je ne serai même plus à l’école. Alors c’est normal que je leur rende tout ce qu’ils m’ont donné. » Un ancien élève de Bel Air et Mafalda, en terminal STI2D et qui a réalisé un service civique au sein d’Arché.

Porteur(s) de l'action

Ecole élémentaire Bel-Air à Torcy

Objectif(s) et bref descriptif

Afin de créer les conditions d’un enseignement accessible à des enfants très éloignés du savoir et de ses codes, le Directeur de l’école élémentaire Bel-Air , à Torcy, a développé au sein de son établissement une démarche pédagogique et des outils favorisant la responsabilisation, l’autonomie et la collaboration des élèves. Ces outils, notamment un réseau informatique et une mini-ferme ont permis de renouer le lien avec les familles, de créer des partenariats avec les autres acteurs éducatifs, et d’ouvrir l’école sur le quartier. Un véritable maillage impliquant les habitants, des associations et les professionnels s’est ainsi développé autour des enfants, favorisant l’instauration d’un climat de confiance et le développement du vivre-ensemble au sein de ce quartier classé « politique de la ville ».

Origine(s)

L’école élémentaire Bel-Air est implantée dans le quartier de l’Arche-Guédon, à Torcy, commune de la ville nouvelle de Marne La Vallée. C’est un quartier très défavorisé sur le plan social et économique, classé en politique de la ville, où réside une population principalement issue de l’immigration. Quelques 600 logements sociaux entourent l’école qui n’est toutefois pas en Zone d’Education Prioritaire (ZEP), même si elle en possède toutes les caractéristiques. Lorsque l’actuel Directeur prend ses fonctions au début des années 1990, il est confronté à une violence exprimée et ressentie importante : stress et agressivité des enfants entre eux et envers les adultes, mais également incivilités et violences des habitants du quartier envers l’école. Il est devenu difficile d’organiser la kermesse sans que cela dégénère et les bâtiments sont régulièrement caillassés. Ancien élève de Pierre Bourdieu et rompu aux principes de l’éducation populaire, le Directeur décide de développer au sein de l’école une démarche pédagogique favorisant la curiosité et le goût d’apprendre ainsi que la mutualisation des compétences et l’esprit de collaboration. Cette démarche ne peut toutefois se faire sans un climat de respect et de confiance, dans l’école et envers l’école.

Une double dynamique est alors impulsée. Au sein de l’école, des dispositifs encourageant l’autonomie et permettant une continuité entre temps scolaire et périscolaire sont développés. Avec le soutien initial de la Fondation de France et d’Apple France, des ordinateurs (plus de 70 aujourd’hui, ainsi que des tablettes) sont installés dans les espaces collectifs, accessibles aux enfants et aux professeurs. L’ensemble de l’école est branchée en réseau (associant les dernières technologies en matière de réalité augmentée, vidéo, internet…), afin que chacun puisse capitaliser sur les savoirs créés par les uns et les autres. Puis une mini-ferme est progressivement constituée au sein de l’école. Installée aujourd’hui entre l’école élémentaire et l’école maternelle, elle se compose d’un enclos à chèvres, d’une volière, d’un clapier, d’un potager, d’un jardin botanique, d’un bassin, d’une station météo… entretenus et exploités par les enfants. Enfin, un laboratoire scientifique est implanté au cœur de l’école, à la fois lieu d’expérimentation, lieu d’exposition et médiathèque scientifique.



Parallèlement, le Directeur entreprend de développer des relations de confiance entre l’école et le quartier et pour ce faire s’appuie sur les autres acteurs, éducatifs et sociaux. Symboliquement, avec le soutien du centre de loisir Mafalda et de la Mairie, la kermesse de l’école est désormais organisée dans la rue devant l’établissement, un espace partagé avec les habitants. Des parents sont invités à venir aider à installer les premiers ordinateurs et mettre l’école en réseau. Surtout une collaboration étroite se met en place avec la MJC André Philip et plus particulièrement avec son centre de loisir Mafalda (Accueil de Loisirs Sans Hébergement), qui est installé en face de l’école Bel Air. Il reçoit une vingtaine d’enfants de 6 à 12 ans, tous scolarisés dans l’école, le mercredi, le samedi et pendant les vacances scolaires. Il assure également de l’accompagnement au devoir le mardi et le vendredi. Les travailleurs sociaux connaissent bien les familles et constituent une véritable interface entre l’école, le quartier et les services sociaux. Des conventions sont signées entre la Mairie (propriétaire des bâtiments scolaires) et la MJC et un projet pédagogique commun se met en place, permettant aux enfants de Mafalda et de la MJC de bénéficier des dispositifs de l’école sur le temps extrascolaire, notamment l’informatique et la mini-ferme. Une association est également créée, Arché, qui regroupe des professeurs, des animateurs de la MJC et des parents. Destinée à l’origine à recueillir des financements et promouvoir le projet d’informatisation de l’école, elle anime aujourd’hui avec des bénévoles le club informatique utilisant le réseau de Bel-Air, ouvert à des jeunes qui n’y sont plus scolarisés mais qui y ont été repérés pour leur envie d’apprendre et de partager, quelles que soient leur difficultés. Un cercle vertueux basé sur la confiance et sur une véritable dynamique de quartier se met alors en place.

Description détaillée

Depuis maintenant 15 ans, un maillage centré sur l’école, s’est donc constitué autour des enfants du quartier afin d’accompagner leur parcours de vie, au-delà de leur scolarité dans l’établissement, sur le principe africain qu’ « il faut tout un village pour élever un enfant ». Dépassant cet objectif initial, cette dynamique a permis de pacifier le quartier et d’instaurer un vivre-ensemble durable.


L’école, espace de savoir et de socialisation
Le projet éducatif porté par Bel Air a un impact non seulement sur les quelque 190 élèves de l’établissement mais sur l’ensemble du quartier. Pour son directeur, l’école n’est pas qu’un lieu institutionnel de transmission du savoir, c’est aussi un espace social. Chaque élève est donc amené à prendre conscience de sa valeur et de sa responsabilité collective. Quotidiennement, chacun peut avoir accès pendant les temps périscolaires (récréations, cantine du midi…) à des ateliers auxquels il s’est préalablement inscrit : informatique, « expériences lavabo », mini-ferme, dessin, jeux de société. Les élèves y participent par petits groupes et en quasi autonomie et peuvent partager leur réalisations en les filmant, en les chargeant et les répertoriant sur le serveur commun de l’école, aujourd’hui également accessible à l’école maternelle: libre à chaque instituteur ou élève de présenter et d’expliquer les expériences filmées par d’autres. Ainsi, les enfants font l’apprentissage des règles nécessaires au bon fonctionnement collectif et nouent une relation différente au savoir, dans un temps moins formel que celui de la classe. Ils éveillent leur curiosité et prennent goût à l’apprentissage.




Une dynamique au service du parcours de l’enfant
Une fois sortie de l’école, le Centre d’accueil Mafalda et différentes associations créées dans le mouvement enclenché par Arché, prennent le relais. Les relations entre Mafalda, dont la Directrice est une ex parent d’élève de Bel-Air, et l’école sont constantes. Sans Mafalda, la mini-ferme ne pourrait perdurer puisque ce sont les enfants du centre d’accueil qui s’occupent, avec une bénévole, des animaux en dehors des périodes scolaires. De plus le centre d’accueil permet également aux enfants qu’elle suit et à d’autres de la MJC, de bénéficier du laboratoire de l’école pour des ateliers scientifiques ou de participer à l’atelier informatique d’Arché, hors temps scolaire. De même, les instituteurs de bel-Air, dont l’équipe pédagogique s’est récemment renouvelée après une période de stabilité, font appel à la Directrice de Mafalda pour sa connaissance des enfants et de leur famille : elle peut être amenée, dans les cas où son avis apporte une vraie plus-value, à rencontrer les psychologues scolaires, à participer aux commissions éducatives ou à se prononcer pour un conseil de classe.

Cependant, Mafalda ne suit plus d’enfants après leurs douze ans. Les jeunes qui ont quitté l’école Bel-Air, et en particulier ceux qui entrent en sixième, ne sont pas pour autant laissés sans ancrages. Les associations impliquant parents, acteurs éducatifs, bénévoles, prennent le relais, avec toujours pour mission d’alimenter l’école en ressources qui serviront aux plus jeunes. C’est le cas de l’atelier animé par Arché, que continue même de fréquenter des anciens élèvent aujourd’hui lycéens. C’est également le cas de l’association d’aide au projet éducatif du Bel-Air (APeBa), qui réunit des habitants, mais aussi d’anciens élèves pour aménager et entretenir les infrastructures de la mini-ferme, ou encore la toute récente Génération Bel-Air, née de l’envie d’anciens élèves, aujourd’hui intégrés dans la vie professionnelle, d’apporter leur expérience et restituer ce qu’ils ont reçu de l’école aux plus jeunes.




Un changement de regard
Les dispositifs développés au sein de l’école contribuent également à faire tomber la défiance face à l’école, qu’il s’agisse de celle des parents ou de celle des résidents du quartier, notamment les jeunes. C’est notamment le cas de la mini-ferme, qui constitue un vrai sujet de partage entre enfants et parents Les anciennes générations peuvent apporter leurs connaissances sur les animaux ou les cultures aux plus jeunes. Les liens intergénérationnels se nouent plus facilement. Les habitants se sont approprié la mini-ferme, qui participe de l’identité du quartier. Ainsi, chaque matin du pain ou des épluchures sont déposés devant les grilles de l’école pour nourrir les animaux. L’école s’ouvre également à l’extérieur du quartier, contribuant ainsi à changer le regard négatif sur l’Arche Guédon, comme lorsque les enfants du Centre d’accueil font visiter la mini-ferme aux tous petits des crèches collectives de la ville de Torcy et à leurs assistantes maternelles. Des partenariats sont également noués avec des entreprises et institutions implantées à Torcy ou ses environs, comme le groupe Eléphant Vert qui produit des bio pesticides et des bio fertilisants ou l’école vétérinaire de Maison Alfort. Ces liens essaiment au-delà de la mini-ferme, puisque un projet de jardins partagés et d’insertion est en train de voir le jour avec le soutien d’Eléphant vert, aux pieds des immeubles de l’arche Guédon. La dynamique initiée par l’école bénéficie à l’ensemble du quartier.

Ainsi, soutenu par une politique de restructuration urbaine portée par la communauté d’agglomération de Marne-la-Vallée, le quartier s’est en grande partie pacifié: les dégradations sont moindres (l’Arche Guédon est le seul quartier de Torcy n’ayant pas subi de dégâts lors des émeutes de 2005), l’école n’est plus victime d’intrusions, le rapport des usagers à leur territoire s’est modifié et le vivre-ensemble renforcé. Les élèves développent une curiosité intellectuelle accrue et ne voient plus l’école comme un obstacle, mais comme un outil au service de leur bien-être. D’autres ont trouvé leurs repères au sein du système associatif. Cet équilibre nécessite cependant une vigilance constante : il peut être remis en cause par la fermeture d’une classe ou par les mouvements de replis communautaires perceptible depuis quelques années. Sa pérennité implique une coopération et coordination étroite des différents acteurs autour d’un même projet commun : le bien-être et la réussite des enfants.

Bilan

  • Enseignant et parents observent un véritable changement dans le comportement des élèves qui apparaissent plus autonomes, responsables, respectueux. Les enfants gagnent en confiance en eux.
  • Ce travail de socialisation ne se fait pas au détriment de l’acquisition des savoirs. Des enfants en pertes de repères, en situation de rupture familiale, poursuivent leurs études et obtiennent le baccalauréat
  • Les acteurs du territoire se connaissent mieux, savent à qui s’adresser en cas de difficultés, et peuvent mieux suivre l’évolution d’une situation problématique grâce à des postures cohérentes
  • L’implication des parents permet d’instaurer un meilleurs dialogue avec les institutions (école, centre social) mais également de les valoriser aux yeux de leurs propres enfants
  • L’attachement au quartier se fait plus prégnant et favorisent un investissement des habitants


Les actions menées par l’ensemble des acteurs du quartier de l’Arche-Guedon ont donc atteint plusieurs objectifs.

  • Développer chez les élèves la culture du vivre-ensemble, leur faire découvrir d’autres cultures, des activités insolites.
  • Favoriser le lien entre les habitants et améliorer la circulation de l’information afin de gérer au mieux et au plus tôt d’éventuelles situations problématiques.
  • Réduire l’éloignement entre les citoyens et les institutions.
  • Pacifier le quartier, limiter les dégradations.

Partenaire(s)

Les dispositifs mis en place à l’école Bel-Air reposent essentiellement sur une coopération et coordination de nombreux acteurs du territoire : habitant, institutionnels, associations, entreprises…

  • la MJC de Torcy et le centre d’accueil Mafalda, la Mairie de Torcy, le Rectorat de Créteil
  • Les associations Archè, APeBa, Génération Bel-Air…
  • Les entreprises Apple France, Groupe Eléphant,…
  • La Fondation de France

Moyens

Financiers
Une dotation de 150 000 euros de la Fondation de France a permis de financer l’installation de la mini-ferme et du laboratoire scientifique. Un don en matériel recyclé d’Apple France a constitué le parc informatique initial.
Aujourd’hui, la commune de Torcy prend partiellement le relais en finançant les activités extrascolaires. Le rectorat participe au renouvellement du matériel informatique. Une participation modeste (10 euros à l’année) est demandée pour chaque enfant inscrit aux ateliers informatiques du vendredi.

Humains
Salariés : Equipe éducative du groupe scolaire, la Directrice et les animateurs de Mafalda et de la MJC. Les bénévoles des différentes associations, anciens élèves et parents d’élèves.

Matériels
Une majeure partie des structures de la mini-ferme est construite à partir de matériaux de récupération recyclés. Les habitants et la commune participent à la nourriture des animaux : un accord est notamment passé pour que l’herbe tondue des parcs municipaux soit livrée comme fourrage à l’école.

Contact

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