Aller au contenu principal
Publication

Enquête annuelle - Dépenses sociales et médico-sociales des départements : 2021, une année atypique.

Cette année encore, malgré la crise sanitaire et ses conséquences difficilement mesurables, l’Odas a réalisé son enquête annuelle avec le concours d’un échantillon représentatif de 49 départements. L’enquête dresse un constat rare : jamais les dépenses sociales des départements n’avaient si peu augmenté d’une année à l’autre, l’exercice 2021 fait donc figure d’exception. Elle permet par ailleurs de dégager des hypothèses sur les inquiétantes perspectives financières des années à venir : l’incertitude domine, pour 2022 et plus encore pour 2023, tant la diversité des difficultés et leurs conséquences économiques et sociales sont nombreuses.

> Télécharger l’intégralité des résultats de l’Enquête annuelle de l’Odas - Dépenses sociales et médico-sociales des départements en 2021.

Synthèse des principaux résultats

Les dépenses globales

En 2021, la dépense nette d’action sociale départementale s’élève à 40,4 milliards d’euros et est en très faible progression (+ 0,4 %) par rapport à 2020. Les concours de l’Etat pour les allocations ont, quant à eux, progressé de 190 millions d’euros (+ 2,3 %). Il en résulte une stabilisation de la charge nette à hauteur de 31,8 milliards d’euros. Ces très faibles évolutions dénotent après une année 2020 marquée par une forte augmentation de la dépense nette (+ 4,2 %) comme de la charge nette (+ 5 %).

Cette stabilisation est à analyser au regard des impacts à court et moyen terme de la crise sanitaire et des décisions très structurantes qui ont été prises. Elle n’augure donc en rien une nouvelle tendance d’évolution de ces dépenses (voir conclusion).

Définitions

La dépense sociale et médico-sociale nette, soit la dépense défalquée des recettes (récupérations d’indus, participations des usagers, remboursements à d’autres départements ou à l’assurance maladie…) ne traduit pas la charge financière que représente l’action sociale pour les départements. En effet, parmi les dotations versées par l’État, certaines sont explicitement affectées au financement des allocations : la CNSA participe ainsi au financement de l’APA et de la PCH, tandis qu’une part de la dépense de RSA est couverte par le transfert d’une part de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et par le versement du Fonds de mobilisation départemental pour l’insertion (FMDI).

La charge nette des départements est donc obtenue en retranchant ces dotations de la dépense nette. Cette charge nette représente le poids réel des dépenses sociales et médico-sociales pour les départements.

Protection de l’enfance

En 2021, la dépense nette a augmenté de 1,8 % par rapport à 2020, pour atteindre 8,29 milliards d’euros (8,14 milliards d’euros en 2020). Cet accroissement s’explique principalement par l’augmentation de 3,7 % des dépenses de placement en établissement. Celles-ci s'expliquent par la prise en charge de 5000 mineurs supplémentaires. De plus, la dégradation des liens intrafamiliaux et l’aggravation des situations font que le soutien sans hébergement et l’accueil en placement familial sont moins sollicités.

Personnes en situation de handicap

En 2021, la dépense nette d’action sociale départementale en faveur des personnes en situation de handicap a augmenté de 3,3 % pour atteindre 8,3 milliards d’euros. En ce qui concerne la dépense nette de PCH, elle a augmenté de 5,8 %, une évolution équivalente à celle de l’année précédente. La dépense nette d’hébergement ou d’accueil à la journée a augmenté de 1,7 % par rapport à 2020. Les concours dédiés de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) ont augmenté de 2,6 %. Il en résulte une charge nette pour les départements de près de 7,7 milliards d’euros.

Personnes âgées dépendantes

En 2021, la dépense nette en faveur des personnes âgées dépendantes a diminué de 1,1 % pour atteindre 7,38 milliards d’euros. Le concours dédié de la CNSA ayant augmenté plus rapidement (+ 8 %), il en résulte une charge nette en diminution de 5 %. L’APA à domicile est servie à 766 000 personnes, avec une faible augmentation. Celle-ci ne traduit pas les difficultés de recrutement que rencontrent les services d’aide à domicile.  Il en résulte que les plans d’aide ne sont réalisés que partiellement.  

Insertion

En 2021, la dépense nette d’insertion a diminué de 70 millions d’euros par rapport à 2020 (- 0,6 %). Elle reste un peu supérieure à 11 milliards d’euros et est principalement affectée au paiement des allocations. Toutefois, pour la deuxième année consécutive, les dépenses consacrées par les départements à l’insertion des bénéficiaires du RSA augmentent, même si les montants concernés restent modestes au regard de ceux consacrés à l’allocation. Le concours de l’Etat, en très légère baisse, s’est élevé à 5,58 milliards d’euros. Il en résulte une diminution de la charge nette qui s’élève à 5,5 milliards d’euros (- 1,2 %).

Personnel

En 2021, les dépenses de personnel départemental dédiées à l’action sociale et médico-sociale se sont élevées à 3,95 milliards d’euros, soit une augmentation de 2,6% par rapport à l’année 2020. Cette augmentation s’explique, comme pour l’année précédente, par les moyens nécessaires pour pallier les conséquences de la crise sanitaire, mais aussi par l’engagement de nouvelles actions.

L’analyse de La Banque Postale

L’embellie de la situation financière des départements en 2021, liée en grande partie à la forte progression des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), pourrait permettre d’amortir conjoncturellement les difficultés anticipées pour 2022, induites notamment par l’inflation. Cependant, si cette dernière se prolongeait ou si d’autres facteurs venaient à engendrer une crise plus systémique (nouvelle hausse des dépenses d’action sociale par exemple), les marges de manœuvre financière dégagées en 2021 ne pourraient suffire  à compenser les impacts financiers d’une telle crise sur plus long terme.

Conclusion

L’année 2021 a donc été une pause dans l’évolution des dépenses sociales et médico-sociales dans un environnement financier favorable. Mais l’inquiétude persiste, pour 2022 et plus encore pour 2023. Plusieurs éléments auront des répercussions dès 2022 :

  • L’impact financier de la crise sanitaire sur l’activité des services et établissements sociaux et médico-sociaux ;
  • Les diverses revalorisations salariales (aide à domicile, fonction publique territoriale, établissements et services) ;
  • Les évolutions réglementaires : application du tarif plancher dans le champ de l’aide à domicile et mise en œuvre de la Loi de février 2022 relative à la protection de l’enfance ;
  • L’augmentation du prix des matières premières et de l’énergie, la hausse des taux d’intérêts et l’inflation provoquent à la fois une croissance des coûts des services et de la précarité de la population.

Parallèlement les départements sont confrontés à des difficultés croissantes de recrutement. La baisse d’attractivité des métiers concernés est une conséquence de l’absence de reconnaissance de la fonction d’accompagnement et les mesures de revalorisation salariale constituent une première réponse. Toutefois, cela ne suffira pas car l’action sociale et médico-sociale est engagée dans une impasse. En effet, la prégnance de la réparation peut donner l’impression à ses acteurs qu’il s’agit de faire face à des besoins sans fin, un véritable « tonneau des danaïdes », il en résulte du découragement et de la fuite. Il semble donc urgent de redonner des perspectives aux professionnels.

Il s’agit de repenser l’action sociale et médico-sociale pour lui donner plus de sens, de s’engager dans des logiques de prévention plus globale en promouvant une société plus attentive au développement des liens sociaux. Une perspective qui touche non seulement l’action publique dans son ensemble mais également le rapport de chacun d’entre nous à l’Autre.