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Face à la crise, six CAF interrogent leur impact sociétal

Reconnues pour leurs expertises techniques, les Caisses d’Allocations Familiales peuvent parfois sembler éloignées de la réflexion collective contribuant à la définition des politiques publiques. Ce n’est pas le cas du travail entamé par six d’entre elles avec l’Odas. Il s’agit d’une recherche-action destinée à effectuer un état des lieux pour améliorer les relations partenariales entre tous les acteurs de terrain. Un travail essentiel pour optimiser leurs modes d’intervention, notamment sur le terrain de la complémentarité des actions. Et alors que l’argent public se fait de plus en plus rare, c’est aujourd’hui essentiel.

Les mutations institutionnelles, socio-économiques et la décentralisation de l’action sociale ont redéfini la place et les missions des Caisses d’allocations familiales (Caf ). Et alors que les besoins sociaux ne cessent de croître, les ressources financières des collectivités publiques sont, elles, limitées.
Construire, renforcer ou modifier les partenariats existant avec les acteurs locaux pour aller vers une meilleure gouvernance partagée s’avère donc indispensable. C’est ce que ressentent profondément 6 Caf (Paris, Seine-Saint-Denis, Cher, Bouches-du- Rhône, Loire-Atlantique et Val-d’Oise) que l’Odas a choisi d’accompagner dans leurs réflexions à travers un ambitieux projet de recherche-action.
“Celle-ci a débuté en octobre 2015 et s’achèvera à la fin de cette année, précise Ségolène Dary, chargée d’études à l’Odas et coordinatrice de la démarche. Tout en cherchant à bâtir un regard transversal sur la gouvernance locale, ces Caf ont un intérêt marqué pour le développement social et s’interrogent sur la manière dont elles peuvent
à la fois construire un diagnostic plus juste, mais aussi mieux intervenir sur leur territoire, impliquer davantage les habitants, contribuer à valoriser leurs partenaires locaux.” Chaque Caf a choisi une thématique précise pour entrer dans l’étude : la parentalité pour la Loire Atlantique, l’animation de la vie sociale pour les Caf du Val d’Oise, de Seine-Saint-Denis et des Bouches-du-Rhône, la Convention territoriale globale (CTG)(1) pour le Cher, les rythmes scolaires et la CTG pour la Caf de Paris.


Deux niveaux de réflexion

Cette recherche-action s’appuie sur deux dynamiques menées en parallèle. Au niveau national, elle prend la forme d’un comité de pilotage qui rassemble régulièrement les directeurs des six Caf et des responsables de l’Odas. “Il s’agit d’un moment d’analyse et de réflexions nées des observations recueillies au niveau local”, explique Ségolène Dary. Au niveau local, les chargés d’étude de l’Odas et les consultants externes se sont rendus tout au long de l’année 2016 sur les territoires d’étude afin d’établir un état des lieux au moyen d’une série d’entretiens menés auprès des Caf et de leurs partenaires. Ils ont construit leur analyse par des échanges avec les cadres de direction des Caf et les agents de terrain, mais aussi leurs grands partenaires que sont les communes, les départements, l’Éducation nationale...).
Afin de capitaliser la matière recueil lie sur le terrain, cinq axes transversaux de réflexion ont été identifiés : le partenariat entre acteurs et la gouvernance partagée ; la participation des habitants ; l’observation ; l’évaluation des politiques et des actions ; la définition de la transversalité des politiques.


Action locale, impact national

Le premier axe est notamment travaillé avec la Caf du Cher. L’organisme doit en effet renouveler sa Convention territoriale globale (CTG)pour la période 2016-2019. Or la Communauté de Communes avec laquelle la convention a initialement été signée a fusionné avec deux autres communautés de communes rurales. L’enjeu est ici de maintenir la dynamique partenariale existante avec ces nouveaux acteurs sur un territoire plus grand. “Ce travail contribue donc à la réflexion que nous avons engagée sur la manière dont la nouvelle CTG peut être facteur de la cohésion d’un territoire qui va passer de 13 000 à 25 000 habitants”, explique Marie-Odile Courseau, responsable du pôle Stratégie et pilotage de la Caf du Cher qui souligne que cette intervention extérieure permet surtout de positionner la Caf comme un acteur impliqué dans la réflexion territoriale. “Elle met en relief le fait que notre Caf ne se cantonne pas à ses domaines de base, à verser des prestations de services, à orienter les personnes, etc., mais qu’elle s’implique dans la construction d’une offre équitable sur les territoires. C’est aussi un temps qui invite nos partenaires à prendre de la hauteur et à s’interroger, avec nous, sur la finalité des actions engagées et des décisions prises” . La gouvernance partagée constitue aussi un objectif fort en Loire-Atlantique où la recherche-action a permis d’identifier qu’en matière de coordination du soutien à la parentalité, une gouvernance existait de manière efficace au niveau départemental, mais que sa déclinaison au niveau communal faisait encore défaut.
Sur la thématique des centres sociaux, les trois Caf impliquées ont des attentes différentes. “Dans le Val-d’Oise, précise Ségolène Dary, la Caf travaille à la réalisation de son schéma d’animation de la vie sociale. La recherche-action lui permet de mobiliser l’ensemble des partenaires autour de ce travail et d’impulser une dynamique de réflexion partagée autour de la politique d’animation de la vie sociale. Dans les Bouches-du-Rhône, il s’agit de trouver les moyens de conserver la coopération partenariale qui fonctionnait bien, mais qui est en perte de vitesse depuis les dernières élections locales”. Pour la Caf de Seine-Saint-Denis, au lendemain de la signature d’un schéma de l’animation de la vie sociale, l’enjeu consiste à structurer le partenariat local autour des centres sociaux de manière à garantir leur développement, notamment en impliquant davantage les communes. “Notre Caf a une tradition de partenariat très établie, explique Tahar Belmounès, son directeur. Cela nous a conduit à mettre en place des schémas départementaux sur la thématique « Enfance et jeunesse » et sur l’animation de la vie sociale autour de l’activité des centres sociaux. Ce dernier est plus récent et plus complexe, car nos partenaires sont historiquement moins engagés dans la durée que nous ne le sommes. Il nous a donc semblé opportun de nous appuyer sur l’expertise de l’Odas pour nous aider à éclairer les conditions de mise en œuvre de ce schéma et de sa gouvernance”. Tahar Belmounès souligne que cette approche consistant, pour la Caf à demander à ses partenaires comment ils jugeaient sa façon de collaborer avec eux et comment l’organisme pouvait encore mieux prendre en compte leurs attentes et celles des habitants, a été très appréciée. “Ils constatent que le volontarisme collaboratif n’est pas une déclaration de principe, que c’est une vraie conviction que nous mettons en pratique. À titre personnel je suis convaincu de la capacité d’innovation locale et que celle-ci peut alimenter la réflexion et les pratiques nationales en matière de travail collaboratif ”.
La Caf de Paris entend, elle, relier gestion et éthique et l’objectif de la recherche-action est d’identifier, à partir de l’expérience partenariale qu’a constituée la mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires, les leviers qui pourraient favoriser la mise en place d’une Convention territoriale globale. La Caf a, en effet, soutenu la mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires par le biais de ses prestations et d’un accompagnement à la collectivité dans le cadre du Projet éducatif territorial.
Il reste maintenant à travailler la question de “l’accompagnement à la dynamique de changements”. Car, quelle que soit la performance des modèles et des recommandations, la question manageriale est essentielle quand on veut réussir à faire évoluer les regards et les postures. ■

>>En savoir plus sur la recherche-action « Territoires d’action sociale et développement social »