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Décryptage/Témoignage

Habitat des personnes fragilisées : le partage comme solution

L'habitat dit "partagé” ou “inclusif” est un modèle de colocation qui gagne chaque année de nouveaux adeptes notamment parmi les personnes fragiles et isolées. Une nouvelle forme d’habitat qui répond à la fois au souhait d’indépendance et au besoin de soutien médico-social, tout en favorisant des interactions sociales qui brisent la solitude et améliorent la santé des colocataires. En 2020, l’Odas lançait le Lab’AU (pour Laboratoire de l’autonomie), un site internet entièrement dédié à l’innovation en faveur des personnes avançant en âge et des personnes en situation de handicap. Vingt initiatives emblématiques de l’habiter autrement ont été expertisées la première année. Focus sur deux d'entre elles : la Villa Sabrina, à La Croix Valmer, où des adultes handicapés deviennent acteurs de leur vie, et le Domaine Monrepos à Libourne, une cohabitation exemplaire entre séniors récemment ouverte.

Et si nous habitions ensemble ? Cette réflexion, de plus en plus de nos concitoyens se la font. On voit fleurir des initiatives très diverses telles que des colocations entre salariés (il y a désormais presque autant de salariés qui vivent en colocation que d’étudiants, selon une étude d’Appartager.com), entre sans-abris, entre générations, entre personnes en situation
de handicap ou encore entre séniors. Dans les pages qui suivent, nous portons notre regard sur ces deux dernières formes d’habitat partagé parce qu’elles sont emblématiques d’une voie prometteuse de “ l’habiter ensemble” pour les plus fragiles. En effet, les premières réalisations de ces colocations entre séniors ou entre personnes handicapées montrent que ceux qui vivent résistent mieux à la perte d’autonomie et voient presque toujours leur santé physiologique et psychologique s’améliorer. Par ailleurs, et ce n’est pas le moindre bénéfice de ces structures d’un nouveau genre, il s’y développe des solidarités, de l’entraide et du soutien qui, parfois, vont jusqu’à redonner une raison de vivre à leurs locataires. Enfin, qu’il s’agisse de colocations entre personnes en situation de handicap ou de personnes âgées, ces lieux de vie alternatifs bénéficient aussi aux familles et aux proches aidants qui peuvent enfin souffler, assurés du bien-être de leurs proches.

Ehpad, une solution par défaut

Depuis une trentaine d’années, l’âge d’entrée en Ehpad est de plus en plus élevé la progression constante du niveau de dépendance moyen dans les Ehpad entraîne naturellement une médicalisation grandissante de ces établissements.
Et de ce fait, la vie en Ehpad accentue souvent la perte d’autonomie, la personne âgée étant contrainte de se plier aux règles, aux rythmes de vie, aux repas et aux activités d’un établissement principalement axé sur la protection de ses habitants. Sans surprise, moins de 3 % des personnes de plus de soixante ans prévoient de passer leurs vieux jours en Ehpad. Par contre, elles sont 24 % à envisager une autre forme, tel que l’habitat collectif avec services, comme le rappelait dans Le Jas de septembre
2020, Jacques Wolfrom, président du comité exécutif du groupe immobilier Arcade, coauteur avec Denis Piveteau, président de la 5e chambre du Conseil d’État, du rapport “Demain, je pourrai choisir d’habiter avec vous”.

Moment convivial sur la terrasse de la Villa Sabrina

La Villa Sabrina : des colocataires handicapés retrouvent la joie de vivre

À La Croix Valmer, depuis six ans, la Villa Sabrina joue la carte de l’habitat inclusif. Des adultes handicapés y ont fait le choix d’une vie en colocation, ouverte sur leur environnement, et d’un accompagnement respectueux de leur autonomie. Baptisé Club des six, ce modèle bouscule les pratiques professionnelles et le regard sur le handicap.

Il est 9h et la vaste pièce à vivre de la Villa Sabrina s’anime doucement. Jérôme, attablé au comptoir de la cuisine, termine son petit déjeuner. Sabrina, tout sourire, a déjà le nez dans son portable, à la recherche d’une recette de lasagne pour le déjeuner Son homonyme, grimpée sur un stepper, s’active à sa gym quotidienne. Rien de plus normal en cette matinée ensoleillée, si ce n’est qu’ici, les sept colocataires, âgés de 18 ans à 54 ans, sont tous en situation de handicap. Victimes d’une lésion cérébrale pour les uns, atteints de troubles autistiques ou de déficiences intellectuelles pour d’autres, en fauteuil pour la majorité, ils ont besoin d’un accompagnement au quotidien. Pour eux, mener une vie ordinaire dans son propre logement restait un rêve inaccessible. Jusqu’à ce qu’ils emménagent dans cet appartement de 450 m2, au rez-de-chaussée d’un petit immeuble d’un étage situé à quelques mètres des commerces et de l’animation quotidienne. Chacun y a aménagé sa propre chambre, équipée de sanitaires, et partage, comme dans toute coloc, les espaces de vie commune. Des liens de voisinage se sont aussi tissés avec les autres locataires, familles ou personnes seules, qui ont emménagé dans les neuf logements à loyer modéré du premier étage.

UN MODÈLE ÉCONOMIQUE ORIGINAL

Mais pour que ce projet, validé aujourd’hui tant par les familles que par les institutionnels, voit le jour, il a fallu plus de quatre ans et toute la ténacité d’une sœur, celle de Sabrina. “Depuis son accident, elle vivait chez mes parents, qui s’inquiétaient de ne plus avoir la force de l’accompagner. Sabrina avait déjà évoqué l’envie d’avoir son chez-soi. Mais elle appréhendait de se retrouver seule et avec six heures d’aide humaine financées par jour, le projet était inenvisageable”, raconte Maylis Cantzler, diplômée d’HEC et déjà à l’origine d’un groupe de crèches privées. “D’où l’idée d’une colocation de six habitants minimum, le Club des six, inspiré d’une expérience portée par l’Association française des traumatisés crâniens à Bordeaux ”. La mairie de La Croix Valmer, où vit la famille Cantzler, se laisse convaincre et met à disposition un terrain dans le cadre d’un bail à construction. Pour permettre des loyers abordables, le projet initial est revu à la hausse avec la création d’un étage supplémentaire réservé à des logements sociaux. “Faute de trouver des bailleurs locaux intéressés, j’ai créé sur fonds propres, ma propre société de promotion immobilière, puis une société de gestion locative. Et comme il n’existait sur le territoire aucun prestataire en capacité d’accompagner 24 heures sur 24 des personnes avec des handicaps différents, il a également fallu créer un service d’aide à domicile.” Il était alors possible, en mutualisant les heures d’aides humaines (octroyées notamment par la CNSA), de faire bénéficier les colocataires de l’accompagnement d’au moins un binôme de professionnels en journée et d’une présence la nuit. C’est un des grands intérêts de cette expérience, que de permettre aux résidents de disposer d’un encadrement de qualité, d’un cadre de vie remarquable, sans que leur charge résiduelle à payer soit élevée.

Vue de la facade arborée de la Villa Sabrina

ACCOMPAGNER AUTREMENT

L’autre atout remarquable de l’expérience réside dans l’originalité de l’accompagnement. “Ici, les colocs sont d’abord chez eux”, souligne Clara, responsable de la Villa Sabrina depuis quatre ans. Éducatrice spécialisée de formation, puis formatrice, elle coordonne les huit salariés du service à domicile spécialement créé, qui accompagne 24 heures sur 24 chacun des habitants dans sa vie quotidienne et le développement de son autonomie. “Nous sommes là pour leur faciliter le quotidien, mais sans décider ou faire à leur place”. Préparer les repas, entretenir la maison, contribuer aux décisions concernant la coloc…Chacun participe selon ses capacités, avec le soutien des professionnels, mais aussi celui des autres locataires. “Ils veillent beaucoup les uns sur les autres, en utilisant chacun leurs ressources”, témoigne Clara. “Ceux qui n’ont pas de difficultés motrices vont par exemple spontanément aider au transfert ou au repas d’un coloc en fauteuil”. Un vrai changement de posture pour les professionnels, comme en témoigne cette jeune aide-soignante d’Ehpad embauchée il y a deux ans “à mon arrivée, j’étais très attachée aux procédures. Mais à la villa, il faut faire preuve de polyvalence et d’adaptabilité. J’ai dû développer des compétences relationnelles, d’animation”.

Un résident aide une autre residente a attacher sa serviette derrière le cou

ENSEMBLE, C’EST TOUT

Avec des résultats qui dépassent toutes les attentes. Alix, jeune autiste de 19 ans, a emménagé il y a peu à la Villa après un parcours chaotique, entre séjours en hôpital psychiatrique, exclusions de plusieurs établissements et déscolarisation. Cet “incasable” semble avoir trouvé sa place. “Ici, il y a de la bienveillance, personne ne me parle mal. Je suis moins stressé”. Il a déjà réduit les anxiolytiques et arrive à mieux réguler son addiction au téléphone portable. Pour d’autres, le changement se traduit physiquement. L’une des colocs, atteinte de trisomie, a perdu les 20 kilos de trop qui la condamnaient au fauteuil roulant : “Je m’ennuyais chez mes parents. Ici, je fais plein de choses, j’aide même dans une association qui distribue des colis alimentaires. Je donne aux autres et ça me rend heureuse ”. Car à la Villa Sabrina, l’épanouissement passe aussi par le lien social. Si aucun des habitants n’est actuellement en capacité de travailler, tout ce qui participe à la vie locale est encouragé: plusieurs ont des engagements bénévoles, pratiquent des activités dans les clubs de la commune et invitent régulièrement voisins et habitants à venir partager leur quotidien, le temps d’un vide-greniers ou d’un repas. “Ils sont présents dans la vie du village, font leurs courses, viennent prendre un verre, se proposent pour animer un stand à la fête communale ou tenir la buvette”, témoigne Bernard Jobert, maire de La Croix Valmer. “Ils sont des Croisiens à part entière. Ils nous poussent à repenser notre ville, ses aménagements, ses modes de déplacements et à changer de regard sur le handicap”.

Cette reconnaissance et l’épanouissement des colocs de la Villa Sabrina ont convaincu Maïlys Cantzler d’essaimer le modèle du Club des six. En bonne entrepreneuse, elle a cherché des capitaux pour financer ce développement et a créé une structure, Homnia. Celle-ci fédère autour de l’association les différentes entités : promotion, gestion immobilière et aide à la personne. Aujourd’hui, grâce à l’engagement d’un fonds commun de placement solidaire du groupe Amundi, six autres colocations ont été créées en France, et cinq nouvelles ouvertures sont prévues d’ici fin 2021. Avec comme objectif ambitieux, une centaine de réalisations à l’horizon 2030 et une priorité inchangée: faire de chaque colocataire un acteur de sa vie…
 

Le Club des Six Villa Sabrina
558 boulevard de Saint Raphaël 83420 La Croix-Valmer
06 13 15 15 63 - www.club-des-six.fr

Lire la fiche expertise du Lab'AU

Vue de la villa Seniors du domaione Monrepos

Le Domaine Monrepos : des personnes âgées inventent une nouvelle famille

Comme dans le précédent exemple, c’est à la suite d’un drame familial qu’Anne Clauzel et Jacques Cardon, frère et soeur, ont mûri l’idée de créer un habitat partagé entre séniors et, sur un site d’exception, y ont insufflé une “vie de famille” épanouissante et solidaire, entre des aînés qui ne se connaissaient pas il y a encore quelques mois.

"Je suis la quatrième d’une famille de 12 enfants et… je ne sais pas vivre seule”, lance Suzanne, 87 ans. La vieille dame reconnaît avoir très mal vécu le confinement. “Ici, nous avons des chambres spacieuses et une liberté totale, poursuit-elle. L’échange, le respect de l’autre, la vie en société… tout est fait pour apprécier les joies simples d’une petite communauté”.
“Ici”, c’est le Domaine Monrepos. Située à Libourne, cette magnifique bâtisse entourée d’un parc, abrite depuis mai 2020 un habitat partagé pouvant héberger 8 personnes âgées. Dans cette “résidence senior alternative” chaque résident dispose d’une chambre de 30m2 avec salle d’eau et tous se partagent le salon, la bibliothèque, la cuisine ouverte, la salle à manger, un espace de détente pour des parties de cartes, scrabble, Rummikub… Une salle à manger privée permet de recevoir leurs proches. Dehors, une petite piscine, un poulailler, un terrain de pétanque et un potager complètent ce cadre unique
“Cela n’a rien à voir avec un Ehpad, ni même avec une Résidence Services, car les personnes sont ‘chez elles’, insiste Anne Clauzel, à l’origine du projet avec son frère. Nos locataires font leur vie comme elles (il n’y a que des femmes pour l’instant) l’entendent, à toutes heures du jour ou de la nuit. Elles peuvent se faire un thé, un goûter, se servir dans le frigo, sortent quand elles le souhaitent, recevoir qui elles veulent, etc.”.
Les tâches ménagères (repas, blanchisserie entretien des extérieurs, ménage, assistance administrative…) sont prises en charge, mais les résidentes peuvent y participer. Au moment des repas, les colocataires ne sont pas servis à table ce qui “n’est pas un détail, souligne la gérante des lieux. Car cela dit que dans cette demeure, on est aidés, pas assistés”. Si chacun garde son indépendance, en pratique la vie est essentiellement collective et très conviviale. “Et c’est évidemment là le cœur de notre initiative”, poursuit Anne Clauzel qui reconnaît que le fait d’être une toute petite colocation “facilite beaucoup l’instauration d’un esprit de famille avec de nombreux moments partagés”. à commencer par ceux des repas. Le déjeuner est servi à 12h30, une décision qui a été prise collégialement. Chacun peut le ‘sauter’ si c’est son souhait, mais c’est un temps de fort de la vie collective de la maison. D’autant que les menus sont choisis en commun et que beaucoup de résidentes donnent un coup de main à leur préparation. Le dîner, lui, peut être pris à table collectivement ou seul dans sa chambre, “une option qui n’est jamais choisie par personne”, s’amuse la fondatrice.
Un autre bâtiment abrite trois chambres d’hôtes et six chambres d’étudiants. “Ils viennent régulièrement partager nos repas, ajouter Anne Clauzel. Et comme certains étudient au Conservatoire de Bordeaux où ils pratiquent le chant lyrique, ils font profiter les résidents de leurs répétitions”.

Repas partagé. Une dizaine de personnes sont autour de la table et regardent le photographe en souriant.

UN PROJET DE VIE HUMANISTE

Cette colocation est ouverte à tous ceux qui disposent d’assez d’autonomie et d’indépendance pour y vivre. “Il faut aussi, ajoute la fondatrice, qu’ils adhérent à notre état d’esprit résumé dans notre Charte et qui exige bienveillance, respect, partage, entraide…”.
A en croire les premiers retours, la formule fonctionne bien. “Je retrouve ma mère avec le sourire, le moral et la joie de vivre, s’enthousiasme Patricia, fille d’une des résidentes qui s’occupaient de sa mère depuis vingt ans. Même si elle habitait à côté de chez moi, en vivant seule elle s’éteignait à petit feu”.
Mais qu’en sera-t-il demain lorsque les résidents perdront en autonomie ? “Nous sommes clairs avec les familles, répond Anne Clauzel. Dès qu’il y aura une perte cognitive, la personne ne pourra pas rester. Par contre, nous ferons tout pour que celles et ceux qui gagneront en dépendance (comme ne plus pouvoir se laver ou s’habiller seuls, par exemple) puissent rester avec nous grâce à l’accompagnement nécessaire d’aides-soignants, infirmiers, kinés...”. La fondatrice n’imagine pas, pour l’instant, organiser la mutualisation de services entre plusieurs résidents qui auraient des besoins de soutien au quotidien. Mais elle a conscience que le petit groupe vit actuellement ses années les plus faciles et qu’il faudra, demain, savoir adapter les réponses. Le modèle économique repose sur les trois factures que doivent acquitter les locataires : une pour le loyer, une
pour les prestations de services (qui offre un crédit d’impôt au bénéficiaire) et une dernière pour l’alimentation. Séjourner à Monrepos est facturé environ 1 800 euros par mois au résident. “C’est un peu moins onéreux que le coût des Ehpad locaux”, assure Anne Clauzel. Rappelons que le coût médian d’une chambre individuelle en Ehpad (en 2018) est, selon la CNSA, de 1977 euros. Le binôme fraternel se partage les tâches du quotidien avec Valérie, l’employée familiale de la société de services à la personne qu’ils ont créée. Ils ne se dégagent que l’équivalent de deux Smic pour eux trois. Alors, l’équilibre financier ne tient-il que grâce aux heures de bénévolat qu’assure la fratrie ? “Non, assure, Anne Clauzel. Il est vrai que mon frère, qui vit sur place, et moi ne comptons pas nos heures. Il est vrai aussi qu’on ne cherche pas le profit. Mais pour autant, nous savons que c’est un modèle viable économiquement. D’ici quelques mois nous pourrons financer l’équivalent de trois temps pleins, payés un peu au-dessus du Smic, pour 4 salariés. Ce n’est pas énorme, mais Monrepos doit aussi être pour tous un projet de vie”. Anne Clauzel et Jacques Cardon ont imaginé cette structure après le décès brutal de leur mère, en 2013. Cet événement leur a fait prendre conscience de la nécessité d’être encore plus attentif et vigilant aux personnes âgées et prendre soin des aînés est devenu “leur projet humaniste”, selon leurs mots. Après avoir quitté leurs belles situations professionnelles respectives (lui dans l’industrie automobile, elle dans le secteur pharmaceutique), ils ont eu les moyens d’acheter et de rénover cet ancien bâtiment d’une congrégation religieuse.

PARIER SUR L’AVENIR

Reste que la force actuelle du Domaine Monrepos sera  peut-être aussi sa faiblesse demain. La structure est entièrement privée et ne reçoit aucune aide ou subvention des collectivités publiques. Elle fonctionne sans entrave et en assumant les risques inhérents à une telle démarche et donc de manière totalement isolée. Certes, Anne Clauzel et Jacques Cardon partagent volontiers leur expérience avec ceux qui envisagent de se lancer dans une aventure similaire, toutefois ils n’ont pas développé d’échanges avec les autres structures médicosociales locales ni avec les autorités publiques. Que se passerait-il, si le frère ou la sœur étaient contraints de devoir cesser leur implication?
Et que deviendront les lieux dans vingt-cinq ou trente ans lorsque les fondateurs deviendront, à leur tour, des résidents ? “Il faudra que d’autres porteurs de projets se mettent dans nos pas”, sait bien Anne Cluzel. Encore faudra- t-il les trouver. “Les gens qui, aujourd’hui, montent ces projets sont passionnés, souvent parce qu’ils ont un proche concerné, souligne Jacques Wolfrom. Mais pour durer, l’initiative doit dépasser la seule personne”. “Mais, ajoute Anne Clauzel, créer de l’habitat partagé de façon mécanique, comme une recette très standardisée et très règlementée, serait voué à l’échec”. C’est pourquoi,
pour les rapporteurs de “Demain, je pourrai choisir d’habiter avec vous”, la pérennité de ce genre de structures doit en partie venir des partenariats que les porteurs noueront. La création d’un réseau d’initiateurs d’habitats prêts à partager leurs expériences, leur modèle d’organisation économique, à répondre aux questions des uns par les solutions trouvées par d’autres, à donner de la visibilité à ce qu’ils font, voire à mutualiser certains de leurs services, pourrait répondre à cet enjeu fondamental : permettre aux colocations pour séniors de… bien vieillir.

Domaine Monrepos
58 rue des Réaux, 33500 LIBOURNE
www.domainemonreposlibourne.com

Un foisonnement d'initiatives

Les projets d’habitats partagés se multiplient France et se diversifient. Ils concernent des  publics différents (adultes handicapés, seniors autonomes ou non), sont initiés par des porteurs différents (particulier, associatif, collectivités, coopératives…) et prennent des formes, elles aussi, diverses.

En 2019, dans le cadre d’un partenariat avec la CNSA et dans un contexte d’évolution législative et réglementaire en faveur de l’habitat inclusif (article 45 de la loi Elan ; décret du 24 juin 2019) l'Odas lançait, via son Lab'AU, un appel à contribution autour de l'habitat inclusif. Son objectif était d’identifier sur le territoire national des formules alternatives entre le domicile et l’établissement, favorisant la vie autonome et la participation sociale des personnes âgées et/ou des personnes en situation de handicap. Cela répondait au souhait des acteurs, et notamment des porteurs de projets, de disposer d’une ressource commune d’initiatives inspirantes, représentatives de la diversité des dispositifs d'habitat accompagné, partagé et inséré dans la vie locale.
Plus de 200 initiatives ont été signalées au lab’AU par les porteurs de projets. Parmi les projets effectifs (plus de 50%), une trentaine ont été sélectionnés selon des critères portant sur le statut des habitants, l’organisation de l’habitat, la mise en œuvre de l’accompagnement individuel, l’animation de la vie sociale et partagée, la gouvernance du projet…). Ce choix s’est également efforcé de respecter la diversité des porteurs, des publics ciblés, des territoires d’implantation.
Vingt six projets ont été retenus et ont donné lieu à une visite systématique de l’habitat et à des entretiens individuels ou collectifs avec l’ensemble des acteurs impliqués dans sa mise en œuvre (porteurs, partenaires financiers, partenaires institutionnels, partenaires opérationnels, habitants, familles…).
A l’issue de ces expertises, le caractère exemplaire de vingt d'entre eux, nous ont conduit à réaliser vingt fiches, publiées sur le site du Lab‘AU. Elles ont également été transmises à la mission sur l’habitat inclusif confiée à Denis Piveteau et Jacques Wolfrom, par le Premier Ministre.

Quelques exemples d'actions ayant donné lieu à des expertises ou pas :

Les Santolines sont appartements sociaux de 36 à 60 m2 visant à briser l’isolement des personnes
âgées encore autonomes. Imaginés par le CCAS d’Alès, ils sont adaptés à la perte progressive d’autonomie. Une salle de convivialité est animée en permanence par des agents du CCAS pour tisser du lien social.

Les 10 colocations de l’association parisienne Ayyem Zamen ont été développées avec des bailleurs sociaux à destination des migrants vieillissants. Une professionnelle de l’association assure un suivi individuel.

▶ Dans une ancienne clinique réhabilitée en logements sociaux d’Arras, la "Maison Vis ta Vie", est un lieu de vie intergénérationnel ou vivent des séniors, des familles mais aussi une dizaine de jeunes adultes trisomiques. Le site abrite aussi des bureaux, des commerces, une crèche et des espaces partagés.

▶ L’association Simon de Cyrène crée, partout en France, des maisons partagées au cœur des villes, où vivent ensemble des personnes valides et handicapées en cours de vie.

▶ À Vaulx-en-Velin, une vingtaine de retraités ont monté une coopérative d’habitants, Chamarelle, puis ont conçu et fait construire un immeuble de 16 appartements adaptés à leurs futures pertes d’autonomie. Ils administrent ce lieu de vie "solidaire" en autogestion.

▶ La maison des Sages de Buc est un lieu de vie communautaire pour 8 personnes atteintes d’Alzheimer. Les colocataires sont accompagnés au quotidien par des auxiliaires de vie.