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Actualité

Handicap et famille : l'Assemblée nationale sollicite l'Odas

Dans le cadre d'une mission « flash » portant sur le suivi des mesures législatives et règlementaires prises en réponse à la crise sanitaire, dans le champ du handicap et de la famille, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a sollicité l'Odas. Au-delà du suivi des ordonnances prises sur le fondement de l’article 11 de la loi 2020-290 dans ces secteurs, les députées souhaitaient connaître l’état des connaissances de l'Odas sur la politique familiale et la situation des familles depuis le début de l’épidémie. N'étant pas en lien direct avec les familles et personnes en situation de handicap bénéficiaires des mesures prises par la puissance publique l'Odas a souligné ne pas avoir une légitimité suffisante pour répondre à ces interrogations. Cependant, en tant qu’observateur privilégié des modes de fonctionnement entre acteurs sur les territoires et promouvant de longue date une meilleure coopération entre eux, l’Odas à porté à la connaissance de la commission quelques éléments de réflexion que nous publions ici.

La mise en œuvre de l’ordonnance n°2020-313 du 25 mars concernant le fonctionnement des ESMS

Le retour dans leur famille de nombreuses personnes en situation de handicap, enfants ou adultes, entraînent des difficultés très variables suivant la nature du handicap, les troubles qu’il occasionne, le degré d’autonomie, la nature des aides nécessaires pour les personnes concernées. Ces difficultés sont également différentes en fonction du territoire de vie et des ressources disponibles sur ces territoires. Au moins trois facteurs peuvent être identifiés : l’impact de la pandémie fortement variable selon les régions ; les différences d’équipement entre les territoires ruraux et ceux fortement urbanisés ; les tensions préexistantes de recrutement sur les professions médicales ou médico-sociales, différentes selon les régions.

La mise en œuvre de la continuité des prises en charges, impulsée et organisée au sommet de l’Etat, a mis en lumière les difficultés de coordination entre des acteurs locaux qui se connaissent mal, ne partagent pas les mêmes cultures et qui n’ont pas l’habitude de coopérer. Depuis plusieurs années, l’Odas constate d’ailleurs les effets délétères des fonctionnements en « silo », par compétences, services et organisations. En outre, la crise des finances publiques a tendance à provoquer un repli « sur le cœur de métier » de chaque institution, processus qui ne favorise pas la construction d’éco-systèmes utiles au développement des  coopérations[1].

La réponse nationale a également insuffisamment tenu compte des réalités différentes sur les territoires et des capacités d’adaptation et de réactivité de chaque acteur institutionnel, notamment des ARS, malgré une organisation dotée de délégations territoriales mais qui ne disposent pas des marges de manœuvre nécessaire. En outre, la culture essentiellement sanitaire des ARS, les a conduites à appréhender tardivement les besoins des services à domicile. Si l’information descendante semble avoir été maîtrisée, la remontée d’informations du terrain, permettant une prise de décisions rapides et une meilleure adaptation des réponses locales, n’est pas aussi efficace (lourdeur et lenteur des circuits). Par ailleurs, les Départements n’ont pas tous fait des choix d’organisation et de gestion prédisposant à une adaptation rapide à un tel contexte. A tire d’exemple, concernant les MDPH et les Départements, la capacité des uns et des autres à assurer la continuité de leurs missions dans un environnement dégradé est très inégale. Pour les Départements, qui assurent le paiement de la PCH, certains n’étaient pas ou peu préparés à mettre leurs agents en télétravail et la transmission des informations n’est pas encore systématiquement dématérialisée. Ces contraintes logistiques et organisationnelles, malgré l’engagement individuel et collectif des collaborateurs, ne favorisent pas une agilité et une réactivité indispensable en gestion de crise.

 

Les contraintes du confinement

Le retour ou le maintien à domicile des personnes dans un contexte de confinement interroge également sur la compréhension et le respect des gestes barrières variables selon la nature du handicap (psychique notamment), sur l’isolement des personnes en situation de handicap et de leur famille, et sur le risque d’épuisement de ces dernières. Cela malgré la très forte mobilisation des associations du secteur qui sont le plus souvent animées par les familles concernées et qui, à la différence du secteur des personnes âgées, jouent un rôle essentiel dans la diffusion de l’information, le maintien du lien social et le soutien aux familles.

De nombreuses familles ont préféré suspendre, par crainte de contamination, le recours aux aides à domicile, dans un contexte de grande difficulté pour les professionnels du secteur à accéder aux équipements de protection. Pour d’autres familles, le retour à domicile des personnes en situation de handicap, jusqu’alors accueillies en établissements ou dans des dispositifs d’hébergements collectifs, est rendu problématique par la pénurie de professionnels médicaux, paramédicaux ou médico-sociaux, en capacité d’assurer un accompagnement sur leur territoire. Il s’agit là des conséquences de la désertification médicale mais également des conséquences de la pandémie pour les professionnels en place (garde des enfants confinés, personnels eux-mêmes infectés…)

Par ailleurs, de très nombreuses initiatives ont été mises en place localement pour maintenir le lien et rendre des services du quotidiens (courses, portages de repas, appel de convivialité…), à l’initiative de citoyens, d’associations ou de collectivités. L’Odas s’en est fait l’écho dans un recensement régulièrement actualisé, mis en ligne sur son site internet (www.odas.net), et destiné à être source d’inspiration pour nos partenaires habituels, les décideurs et les acteurs du territoire. Cependant, les personnes en situation de handicap et leurs familles n’ont pas toujours connaissance des initiatives locales ou peuvent éprouver des réticences à se tourner vers des interlocuteurs autres que ceux du champ du handicap, avec lesquels ils ont l’habitude d’être en contact. D’autant que la situation des personnes handicapées et de leur famille reste encore mal appréhendée par notre société (méconnaissance, crainte, stigmatisation…), comme l’a mis en lumière certains refus de soins.

 

La sortie du confinement

La mise en œuvre de toutes les initiatives favorisant une meilleure inclusion des personnes en situation de handicap dans la société devra être encouragée et plus largement généralisée dès la sortie de crise. Une « société inclusive » implique notamment d’orienter notre système social et médico-social davantage sur une logique « d’accompagnement » et moins dans une logique de « prise en charge ». Cette logique impose un changement de posture professionnelle privilégiant, autant que faire se peut, « le faire avec » sur « le faire pour ». Elle nécessite également de s’émanciper d’un fonctionnement normatif à l’excès. Celui-ci contraint les établissements et services qui souhaiteraient s’engager vers une plus grande participation au quotidien des personnes accompagnées. Il limite également l’émergence de projets innovants, à l’exemple des dispositifs d’habitats inclusifs (pour lesquels l’Odas a conduit une expertise de plusieurs mois) ou à l’exemple des logiques d’établissements « hors les murs », ouverts à leur environnement extérieur et parfois ressource pour ce dernier[2].

Cette crise peut également être une opportunité pour revoir les procédures d’attribution de la PCH et de fonctionnement des MDPH, dont l’Odas a constaté, lors de plusieurs travaux, la complexité pour les personnes en situation de handicap et la charge pour les administrations concernées. Les dispositifs allégés, mis en place pour faire face au Covid 19, mériteraient d’être évalués à l’issue de la crise, afin d’en tirer les enseignements utiles à une simplification des procédures.

Ces perspectives d’évolution ne doivent cependant pas négliger les inquiétudes concernant la fragilité des établissements et services en sortie de crise, notamment sur le plan financier, même si des mesures ont été prises pour assurer la compensation des baisses d’activités en maintenant les montants de financement prévisionnels de l’APA et de la PCH. Par ailleurs, certains Départements alertent déjà sur les conséquences financières d’un risque de double financement : l’attribution d’un montant de PCH pour soutenir le retour à domicile et la nécessité de financer totalement ou au moins partiellement les établissements qui les accueillaient pour éviter de mettre ces derniers en difficulté.

Notes :

[1] Voir à cet effet les derniers rapports de l’Odas : Les villes et le lien social, rapport issu d’une recherche-action menée avec sept villes (2013) - Développement social : les départements à l’épreuve du réel , rapport tiré des constats et propositions de la recherche-action « territorialisation et cohésion sociale » menée avec dix-huit départements et d’une enquête nationale sur l’observation sociale et l’action départementales (2015); Les CAF et les territoires : constats et propositions, rapport issu d’une recherche-action menée avec six caisses d’allocations familiales (2018) – Cohésion sociale et territoires : comment mieux agir ?, rapport issu d’une recherche-action menée avec neuf villes et deux intercommunalités (2019)