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Actualité

La mobilisation citoyenne est déclarée !

"Comment développer la citoyenneté des habitants ? Qu’est-ce qui fait que l’on se sent citoyen ? Ces questions sont au cœur des politiques publiques, en réponse à des phénomènes qui fragilisent notre société : baisse du bénévolat et montée de l’individualisme, forte abstention aux élections, fractures sociales, ethniques, méfiance vis-à-vis « du politique », etc. Les collectivités ont compris qu’elles ont un rôle important à jouer sur ces questions. Elles refusent d’en rester au constat et au diagnostic de la fracture sociétale, et multiplient les initiatives pour « faire société »." Le CNFPT consacre un large dossier à la mobilisation citoyenne. Il y est notamment question de la Journée citoyenne et des travaux de l'Odas sur la citoyenneté. Extraits et interview vidéo de Didier Lesuer, directeur de l'Odas...

"Les actions des collectivité ont le mérite de montrer que la bonne idée est souvent la plus simple : financer une bonne part du permis de conduire en échange de temps donné à une association ; faire participer tous les habitants à la vie de la cité, y compris les étrangers, citoyens de résidence ; proposer à la population de se retrousser les manches une journée par an pour réaliser un chantier d’intérêt public ; organiser des évènements dans toute la ville pour interroger le rapport de chacun à la citoyenneté ou développer le service civique pour les jeunes. Leur point commun ? Tenter de créer un déclic pour que chacun sorte de sa position d’usager et comprenne qu’il est acteur de la cité.

Richwiller (68) Citoyens, à vos truelles et balais

En 2008, Fabien Jordan, maire de Berrwiller, lance les Journées citoyennes : une journée où toute la population est invitée à se retrousser les manches pour améliorer l’espace public. Vincent Hagenbach, maire de Richwiller, est un voisin et un ami. « Fabien m’a un peu taquiné sur le sujet, alors j’ai décidé de relever le défi. C’était plus compliqué chez nous car nous n’avons pas l’esprit village, comme à Berrwiller. » Grâce à la mobilisation de Jean-Yves Roudaut, responsable des services techniques et des dix agents de la mairie, la greffe a pourtant bel et bien pris. « On l’évoque rarement, mais les Journées citoyennes exigent énormément de préparation. » Richwiller vient de souffler la bougie de la dixième Journée citoyenne, avec 590 participants, dont 50 enfants, sur 3 700 habitants. Dix années de mobilisation qui ont permis d’amorcer la remise en état des 12 bâtiments communaux, le nettoyage de tout le parc de poteaux incendie, le fleurissement de la ville, la construction d’un perchoir pour les cigognes, etc.

Les Journées citoyennes sont parmi les plus belles que j’ai vécues en tant que maire. C’est véritablement un moment unique. Tout le monde se rassemble pour un projet d’intérêt commun, à l’opposé des logiques de rupture et d’affrontement quel’on peut retrouver ailleurs. Les habitants redeviennent propriétaires de l’espace public, dans un esprit de liberté, d’égalité et de fraternité. Ce jour-là, on est libre de participer ou pas, tout le monde est à égalité et solidaire les uns des autres. Je n’ai que de belles histoires à raconter. Comme ce jeune que j’ai surpris un jour en train de taguer un mur, et que j’ai invité à venir décorer un mur avec ses copains, ou encore la fierté des agents, qui voient leur travail pour une fois valorisé et reconnu. L’échelle communale est à mon avis le meilleur niveau pour nourrir la citoyenneté et le désir d’agir ensemble.
Vincent Hagenbach, maire de Richwiller

 

Journée citoyenne : de la « fabrique de biens » à la « fabrique de liens »

Parce que notre société souffre d’une « pauvreté relationnelle » et d’un affaiblissement des liens collectifs, l’Observatoire nationale de l’action sociale (ODAS) essaime depuis 2015 l’initiative des « journées citoyennes », née à Berrwiller en Alsace. En 2019, près de 2000 communes ont participé à l’évènement.

« C’est indéniablement la responsabilité des pouvoirs locaux de passer de la « fabrique de biens » à la « fabrique de liens ». Cette évolution est fondamentale : comment l’ensemble des politiques locales peuvent-elles contribuer au tissage du lien social et à la construction de repères plus collectifs ? », s’interrogeait Didier Lesueur, directeur général de l’Observatoire national de l’action sociale (ODAS) en 2016 lors d’une audition du Conseil économique et social (CESE) (*).

Dressé il y a trois ans, le constat a gardé son actualité. « Notre société a perdu le goût de l’autre. Nous sommes davantage dans des logiques de « place de l’individu dans la société » et moins dans la question de comment peut-on faire société ? ». La perte de l’horizon collectif faisant le lit du malaise social : isolement, repli sur soi, pauvreté relationnelle, fractures sociales.

Les collectivités territoriales ne sont pas restées inertes face à ce constat. En 2008, Fabian Jordan, le maire de Berrwiller, un village alsacien de 1200 habitants, a l’idée de créer une journée citoyenne. Un jour par an, les citoyens sont invités à se serrer les coudes pour des travaux d’utilité publique : nettoyer la ville, repeindre un mur, rénover un local ou tout autre projet d’intérêt local, etc. L’objectif visé étant double : réaliser des travaux que la commune a du mal à mener à bien, faute de bras, mais surtout redonner aux citoyens le goût de l’action collective.

2000 communes en 2019
En 2015, l’ODAS, soutenue par l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalités (AMF), décide de porter l’essaimage des journées citoyennes sur tout le territoire français. Elle met en place un réseau d’ambassadeurs pour promouvoir l’action auprès des communes, ainsi qu’un réseau des Villes organisatrices de journées citoyennes pour partager les expériences. Des outils méthodologiques et de communication sont mis à disposition pour faciliter la mise en œuvre des journées.

Une politique qui porte ses fruits. Jusqu’en 2014, les journées citoyennes étaient un phénomène essentiellement alsacien avec 49 communes organisatrices dans la région. En 2015, on passe à 249 communes, puis plus de 700 en 2016, un millier en 2017, plus de 1500 en 2018 et pas loin de 2000 communes en 2019 sur l’ensemble du territoire français.

Des villes comme Angers en ont fait un temps fort, en jouant à fond la carte participative avec un appel à projets. En 2019, pour la cinquième édition des JC angevines, les Angevins ont ainsi pu participer à une « Clean Walk des super héros » (nettoyage des rues version bal costumé), à une vaste opération de ramassage de mégots, un rallye chasse au déchets, etc.

Au fil des années, les journées citoyennes ont diversifié leurs interventions, investissant tour à tour le champ de l’embellissement de la ville (fleurissement), la solidarité (intergénérationnelle, face au handicap, etc.), le développement durable, à l’instar de Saint-Nazaire-en-Royans, qui a cette année planté des espèces mellifères pour préserver les abeilles…

Avec un succès indéniable. A ce jour, aucune ville ayant déployé une année une JC n’est revenue sur cette initiative…Les premières éditions ne sont jamais les dernières.

 

3 questions à Didier Lesueur, délégué général de l’Odas

3 questions à Didier Lesueur, directeur général de l’Odas