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L’incidence de la Conférence des financeurs de la Prévention de la Perte d’Autonomie sur les actions collectives de préventions

A l’occasion de la concertation nationale Grand âge et autonomie, la Cnav a sollicité l’Odas pour conduire une enquête sur les actions collectives de prévention mises en œuvre dans le cadre des Conférences des financeurs. Retour sur les principaux constats qui conforte la place des caisses de retraite.

La salle municipale d’Herserange résonne d’éclats de rire et la petite vingtaine de retraités présents est unanime « Qu’est-ce que ça fait du bien ! ». En ce mois de novembre, ils sont venus participer à une séance de yoga du rire, une des 31 actions collectives proposées sur le territoire de Longwy par la Conférence des financeurs de Meurthe et Moselle, dans le cadre de son appel à projet 2018. De l’atelier mémoire aux test de sécurité routière ou à l’initiation au numérique, toutes ces activités ont le même but : encourager les personnes âgées à adopter de nouveaux comportements pour prévenir les effets du vieillissement et favoriser le bien vieillir.

Depuis plusieurs années, la CNAV a fait de la prévention de la perte d’autonomie, notamment auprès des retraités les plus fragiles, une priorité de sa politique d’action sociale. Cette politique s’inscrit pleinement dans les objectifs de la loi du 28 décembre 2015 relative à l’Adaptation de la Société au Vieillissement, qui a instauré la mise en place, dans chaque territoire départemental, d’une Conférence des Financeurs de la Prévention de la Perte d’Autonomie (CFPPA).

La mise en œuvre de ces actions collectives de prévention (ACP) est une des priorités fixées aux CFPPA. Progressivement mise en place dans chaque département à partir de 2016, pour couvrir l’intégralité des départements métropolitains en 2017, elles regroupent localement les conseils départementaux, les caisses de retraite, les agences régionales de santé (ARS), les caisses complémentaires, les mutuelles …, qui chacune de leurs côtés financent des actions individuelles et collectives de prévention. Avec pour objectif de mieux coordonner leurs financements et de donner plus d’envergure à leurs actions, via l’attribution de financements complémentaires par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).

Comme le rappelle Frédérique Garlaud, directrice nationale de l’action sociale à la Cnav, « La prévention fait partie de l’ADN de l’Assurance Retraite. Avant même la création des CFPPA, les structures interrégime ont favorisé le développement d’une offre d’actions collectives de prévention auprès des retraités et un maillage du territoire. Il nous semblait intéressant de pouvoir objectiver la plus-value des caisses de retraite au sein des CFPPA, d’apprécier l’investissement de ces dernières en matière d’actions collectives, et de vérifier que l’effet levier souhaité était au rendez-vous ».

C’est pourquoi au mois de novembre 2017, la CNAV a confié à l’Odas, la réalisation d’une « enquête flash », afin d’une part d’évaluer l’impact de la CFPPA sur le développement et la programmation d’actions collectives de prévention (ACP) et d’autre part d’objectiver la place des Carsat et des structures interrégime, en matière de prévention, au sein des CFPPA.


L’effet booster

L’un des premiers enseignements de l’enquête conduite par l’Odas (voir encadré) est la montée en puissance des CFPPA en matière d’actions collectives de prévention. Elle se traduit par l’augmentation des moyens mobilisés, tout comme par celle du nombres d’actions réalisées et du nombre des participants. De 67 millions d’euros en 2016, les financements engagés ont atteint les 96 millions en 2017 et cette croissance semble se poursuivre en 2018, bien que ralentie. Preuve de leur engagement, les Carsats et les structures interrégime apportent la moitié des financements hors concours CNSA, même si ces derniers restent majoritaires (58%).

« Ces financements supplémentaires ont donné plus d’envergure à la politique de prévention, reconnaît Sophie de Nicolaï, directrice déléguée à la Carsat Sud-Est. Ils nous permettent de développer des programmes plus ambitieux, que nous n’aurions pas pu conduire seuls. Comme les ateliers à distance de l’association Au Bout du fil que nous avons déployés sur trois départements grâce au soutien de leurs CFPPA ».

D’autre part, l’enquête met l’accent sur la plus grande diversité des opérateurs et des actions proposées, constat que partagent les Carsats que les Départements interrogés. Ils estiment que les CFPPA ont favorisé l’émergence d’acteurs qui n’étaient pas précédemment identifiés sur leurs territoires, notamment des porteurs de projet locaux, clubs du troisième âge, centres sociaux, associations culturelles et sportives... Sont également cités les acteurs du secteur médico-social dont les services à domicile, ou des opérateurs nationaux tels que Siel Bleu.

De plus, les réponses témoignent aussi d’un élargissement de l’offre. A côté des thématiques traditionnelles (équilibre, mémoire,…), des actions moins orientées « prévention » se développent à l’exemple de celles proposées en Meurthe et Moselle et dans de nombreux départements. Elles peuvent même prendre des formes très innovantes comme le programme « Aidants-aidés, une qualité de vie à préserver » construit par la CARSAT Aquitaine, financé par six CFPPA de son territoire, et qui propose notamment un théâtre forum, des ateliers de formation et des vidéos. Cette diversification, associée à une meilleure couverture territoriale permet de toucher des publics plus éloignées de l’offre de prévention, telles les personnes en précarité. En revanche, la participation des jeunes retraités progressent peu.


Des caisses de retraite légitimée

Cette enquête met également en relief l’expérience acquise par les structures interrégime ainsi que leur ingénierie, valorisée par de nombreuses CFPPA. C’est le cas, entre autres, des Observatoires de la Fragilité (voir JAS n°214), dont les données ont été fréquemment utilisées pour établir le programme d’actions concerté des Conférences. C’est également le cas, dans une moindre mesure, pour les référentiels établis par la Cnav et Santé Publique France, à l’attention des porteurs de projets du programme interrégime de prévention : un tiers des départements répondants estiment que leur CFPPA s’y réfèrent lors des appels à projets.

Cette reconnaissance de la légitimité des caisses de retraite se traduit enfin dans l’augmentation très nette des conventionnements passés entre les CFPPA et les structures interrégime. Si la majorité portent uniquement sur l’attribution des concours CNSA, des délégations de gestion de ces derniers aux Carsat sont pratiquées par un tiers des CFPPA et tendent à se développer. Comme le confirme Sophie de Nicolaï « Les Conférences ont permis d’améliorer la visibilité de chacun, de mieux se connaitre. Nous nous enrichissons mutuellement et réinterrogeons nos pratiques, afin d’avoir une approche plus homogène ».

Le travail de l’Odas fait également apparaitre des pistes d’amélioration. Comme le souligne Manon Bonnet, Chargée de mission à la CNSA, « il y a un réel enjeu autour de l’évaluation des actions financées, un travail que nous portons à la CNSA avec l’ensemble des acteurs, à la fois pour préciser les critères de sélections des projets mais également pour en mesurer l’impact ».

Pour Jean-Pierre Aquino, membre de la commission d’action sanitaire et sociale de la Cnav, « s’il est encore un peu tôt pour dresser un bilan des CFPPA, cette enquête confirme que des évolutions sont nécessaires, notamment autour de la gouvernance. Le pilotage national pourrait intégrer d’autres acteurs, dont les personnes âgées elles-mêmes, mais également porter une vision plus large de la prévention, avec la conviction que la perte d’autonomie n’est pas une fatalité ».


L’enquête de l’Odas

Elle a été menée entre le 21 novembre 2018 et le 15 janvier 2019, auprès de l’ensemble des Carsat et Départements métropolitains. 
Deux deux questionnaires ont été élaborés lors d’une réunion de cadrage réunissant des représentants de la Direction de l’Action sociale de la CNAV, des Carsat, de la Caisse Nationale de Soutien à l’Autonomie (CNSA) et de l’Odas.

L’un des questionnaires est destiné aux Départements, qui président les CFPPA et qui perçoivent les deux concours financiers (« forfait autonomie » et « autres actions de prévention ») que la CNSA attribue aux CFPPA. L’autre est destiné aux Carsat, membre de droit de la CFPPA et un des principaux acteurs de la prévention de la perte d’autonomie sur les territoires, à travers notamment les structures interrégime (ASEPT, PRIF…). Ils concernent les trois premières années de fonctionnement de la CFPPA. 

Ces deux questionnaires comportent sept items concernant : les conventions établies entre les Carsat/structures interrégime (ASEPT, PRIF…) et les Départements ; l’émergence de nouvelles formes/thématiques d’ACP, de nouveaux opérateurs, de nouveaux publics ; l’utilisation par les CFPPA du référentiel des programmes de prévention de l’interrégime et des travaux des Observatoires des fragilité (questions posées uniquement aux Départements) ; les plus-value apportées par les CFPPA et les points de vigilance, sur le développement des actions de prévention (questions posées uniquement aux Carsat). 

La totalité des Carsat et 59 Départements y ont répondu.
Les résultats définitifs ont été présentés le 12 février 2019 à la commission d’action sociale de la CNAV. 
Les modalités de publication d’un rapport seront prochainement envisagées entre la CNAV et l’Odas.


Contact

Estelle Camus, chargée d'étude autonomie