A propos de la judiciarisation des interventions socio-éducatives auprès des enfants en danger
Notre système de protection de l’enfance est confronté aujourd’hui à deux évolutions particulièrement inquiétantes. D’une part une progression de la judiciarisation des signalements : près de trois quarts des signalements sont aujourd’hui traités par les services de Justice. D’autre part une très forte progression du nombre d’enfants en risque sans que soient mises en place des réponses adaptées : soutien à la parentalité, retissage des liens de proximité, adaptation des actions préventives aux spécificités de chaque territoire.
En 1996, alors que le nombre de l’en- semble des signalements des enfants en danger augmente de 14 %, celui des signalements transmis à l‘autorité judiciaire augmente quant à lui de près de 20 %.
Si la loi du 10 juillet 1989 avait bien envisagé que dans les cas de maltraitance, la judiciarisation soit souvent nécessaire, voire indispensable, la question des enfants en risques se pose différemment : la protection administrative doit être, là, privilégiée.
D'ailleurs, comme le montrent les résultats de l’année 1996, le taux des signalements à l’autorité judiciaire pour les enfants en risques est passé de34%en1994à40%en1996.De même, l’analyse récente d’un échantillon de signalements faits à l’ASE pour quatorze départements montre que 78 % d’entre eux ont fait l’objet d’un signalement judiciaire [voir page 4].
Or, cette tendance peut menacer l'équilibre de notre système de protection de l'enfance : asphyxie des cabinets des magistrats, disqualification des travailleurs sociaux, stigmatisa- tion des familles concernées, déclin du travail préventif... C'est pourquoi l’Observatoire de l’enfance en danger de l’Odas a conduit une réflexion partant de certaines hypothèses sur les raisons de cette tendance.