Synthèse de l’enquête « Forfait parentalité de la prestation de compensation du handicap. Quelle parentalité pour les personnes en situation de handicap ? »
L’Odas publie son dernier rapport sur l’utilisation de la PCH parentalité. Cette étude a permis de mesurer son impact et d’étudier les pistes à développer pour favoriser le soutien des parents en situation de handicap.
Le décret n° 2020-1826 du 31 décembre 2020 ouvre le bénéfice de la prestation de compensation du handicap (PCH) aux besoins liés à l’exercice de la parentalité des personnes en situation de handicap. A cet effet, il crée une aide forfaitaire qui peut être versée aux parents éligibles à la PCH, sous certaines conditions. Communément appelée « PCH parentalité », il a paru plus approprié de la désigner dans ce rapport sous le vocable « forfait parentalité ».
Dans le cadre du partenariat entre la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie et l’Odas, il a été convenu d’observer l’utilisation du forfait parentalité. L’étude, tant dans son aspect quantitatif que qualitatif, a été menée en s’appuyant sur un questionnaire envoyé à tous les départements (67 répondants), des enquêtes dans 5 départements volontaire (47 réponses de partenaires et 103 bénéficiaires) où nous avons également rencontré les principaux acteurs ainsi que des personnes concernées (95 acteurs dont 20 bénéficiaires). Enfin de multiples entretiens avec différentes institutions et associations ont été menés.
Il est apparu très vite que l’importance du montant mensuel du forfait était interrogée, tout comme certaines de ses modalités. Mais au-delà, le sujet même du soutien à la parentalité des personnes en situation de handicap s'est posé, et plus fondamentalement leur droit à accueillir et accompagner des enfants. La première partie de ce rapport porte sur la mise en œuvre de cette nouvelle prestation. Eu égard aux autres compétences du département dans le champ de l’enfance et de la famille, la deuxième partie porte sur l’impact de la prestation et ses potentialités dans le champ de la prévention.
La mise en œuvre du forfait parentalité de la prestation de compensation du handicap
Afin d’appréhender la mise en œuvre de ce nouveau forfait, il est proposé d’identifier qui en sont les bénéficiaires actuels, comment l’accès à la prestation est organisé et de vérifier comment ses principes s'accordent avec ceux de la Prestation de Compensation du Handicap.
Le profil des bénéficiaires
Le nombre de forfaits annuels attribués par l’ensemble des départements est estimé à environ 9000, pour 5000 bénéficiaires. Les réponses des départements ayant répondu à l’étude montrent que le forfait parentalité est réparti de façon quasi-identique entre aide humaine et aide technique.
Les bénéficiaires témoignent en très grande majorité de difficultés liées à des altérations de fonctions physiques ou sensorielles et, de façon très marginale, de difficultés liées à des altérations de fonctions psychiques ou cognitives.
Les bénéficiaires du forfait parentalité, qui ont répondu au questionnaire, ont eu majoritairement (55 %) connaissance de l’existence de la prestation par l’intermédiaire d’un contact avec la MDPH ou la MDA (Maison Départementale de l’Autonomie), généralement lors d’une visite à domicile d’un évaluateur. Les propres moyens des bénéficiaires (pairs, associations, internet…) constituent la deuxième source d’information (33%).
Une mise en œuvre discutée
Il reste difficile d’estimer le nombre de parents en situation de handicap concernés et leurs besoins. Les informations explicitement recueillies dans les formulaires de demande MDPH, et obligatoirement saisies dans les systèmes d’informations, n’incluent pas la situation familiale des bénéficiaires.
Le décret créant le forfait parentalité étant paru la veille de la date d’effet de cette nouvelle aide, la mise en œuvre de la prestation a nécessité du temps et les premiers paiements ont été effectués à des dates différentes selon les départements. Bien que des démarches volontaristes de certains départements soient à noter, la communication pour faire connaitre cette prestation reste insuffisante : peu d’information auprès des bénéficiaires déjà existants et peu d’information transversale (PMI, sanitaire).
L’étude permet de constater que les acteurs se sont assez peu emparés de cette prestation. De nombreux départements ont confirmé s’être relativement peu saisis du sujet et ne pas avoir mis davantage d’actions en place, au-delà de la seule gestion administrative de la prestation.
Une prestation qui bute sur les principes et les limites de la PCH
Si cette aide est soumise à l’éligibilité à l’aide humaine de la PCH, son attribution est simplifiée par le recours au forfait. Néanmoins, ce recours au forfait est interrogé autant par les acteurs associatifs que par les acteurs départementaux. En effet, la logique de forfait est contraire à la logique développée pour le calcul du montant de la PCH qui repose sur une évaluation individuelle et un ajustement aux besoins des personnes concernées.
De plus, le forfait parentalité ne peut être attribué que si le bénéficiaire est éligible à la PCH, ce qui exclut de fait certains parents ayant des besoins spécifiques. Le fait que les besoins en services ménagers soient exclus des critères d’accès à la PCH est particulièrement pointé par les personnes concernées car ils sont directement en lien avec les besoins liés à l’exercice de la parentalité.
Ainsi, le principe du forfait suscite divers questionnements. A tel point que de nombreux acteurs s’attendent à une évolution de ce forfait parentalité. Cependant, si une évolution était envisagée, cela impliquerait l’évaluation des besoins et des propositions, ce qui ne va pas de soi. Pour y parvenir il serait aussi nécessaire de mobiliser des compétences dans le champ du soutien à la parentalité, sans omettre la ressource humaine et le temps nécessaire pour réaliser l’évaluation.
Par ailleurs, le forfait parentalité est peu identifié par les professionnels. De nombreux professionnels ont en effet exprimé être en attente d’informations à propos de l’aide à la parentalité. Plus particulièrement, au sein des services d’accompagnement (SAVS-SAMSAH), et surtout auprès de personnes porteuses de déficience intellectuelle ou troubles psychiques, l’exercice de la parentalité fait l’objet d’un accompagnement sans pour autant que l’existence du forfait parentalité ne soit connue. Les professionnels de PMI se révèlent également peu informés de cette prestation.
L’accompagnement qui serait souvent bénéfique, sur les possibilités que ce forfait offre, reste encore peu pensé car à la marge. Les professionnels des MDPH évoquent leurs difficultés à assurer « un accompagnement social des personnes dont elles traitent la demande et à les accompagner jusqu’à la mise en œuvre de la prestation ». Du côté des autres services départementaux, la Protection Maternelle et Infantile (PMI) semble incontournable par sa mission d’information et de suivi de la périnatalité, des parents et des enfants de moins de six ans. Le handicap des parents ne figure néanmoins pas dans ses priorités de mission et sa maitrise du sujet semble très inégale.
Du forfait parentalité au soutien à la parentalité des personnes en situation de handicap
Afin d’appréhender l’impact du forfait parentalité sur le soutien à la parentalité il convient de vérifier d’abord comment ce forfait est perçu et utilisé par les bénéficiaires et ensuite, s’il satisfait les besoins des parents en situation de handicap dans le champ de la parentalité. Enfin, il s’agira de s’interroger si ce forfait ne peut pas constituer une opportunité pour développer la prévention.
La satisfaction des bénéficiaires
91 % des bénéficiaires ayant répondu à l’enquête ont déclaré que la prestation avait eu un impact positif pour eux. Non seulement les bénéficiaires décrivent l’aide comme très positive, mais aussi inattendue. Surtout, il ressort qu’elle vient en particulier soutenir le quotidien de l’ensemble de la structure familiale : pallier la baisse ou la perte de salaire, rémunérer l’aide d’une tierce personne, permettre davantage de temps de garde
Le forfait parentalité permet aussi de financer des aides plus spécifiques pour sécuriser et accompagner le parent dans ses actes : aides techniques, matériel de puériculture spécifique… Il permet également pour un tiers des bénéficiaires le recours à des professionnels selon la disponibilité de l’offre, pour sécuriser et accompagner le parent dans ses actes : TISF, auxiliaires de vie selon qualifications, mais aussi ménage, devoirs... Cependant, en raison de la difficulté à trouver l’aide humaine et/ou technique adaptée ou d’un coût trop important, de nombreux bénéficiaires disent donc devoir bricoler des solutions.
Les modalités du versement du forfait parentalité laissent aux bénéficiaires la faculté d’arbitrer entre le recours à des solutions familiales ou se trouvant dans leur entourage, le recours à des intervenants professionnels et les adaptations matérielles. Lors des entretiens, des bénéficiaires ont dit combien ils appréciaient l’autonomie ainsi permise et qu’ils y voyaient même une forme d’égalité. En revanche, l’âge limite de l’enfant pour le bénéfice du forfait parentalité suscite des interrogations.
Une grande diversité des besoins
La satisfaction des bénéficiaires ne signifie pas pour autant que le forfait répond complétement à leurs besoins, et encore moins à ceux de l’ensemble des parents en situation de handicap. La moitié des répondants considèrent que leur handicap entraine des besoins non compensés par la prestation. Surtout, près d’un répondant sur trois aurait souhaité bénéficier d’un accompagnement spécifique à la parentalité.
Par ailleurs, le terme de handicap recouvre des situations qui ne sont pas comparables et des degrés de difficultés différents. Ainsi, les montants peuvent sembler insuffisants (13 % des répondants) lorsque la compensation des handicaps lourds impose le recours à des prestataires comme principal soutien. De surcroît, la situation familiale (monoparentalité) et sociale (précarité) peuvent constituer des difficultés qui se cumulent aux empêchements liés au handicap. Enfin, les enfants sont parfois également en situation de handicap.
Par ailleurs, ces services sont difficiles à mettre en place : des compétences de service qui doivent être multiples, un contexte de crise du travail social, une coordination des interventions qui implique une charge mentale, une crainte du jugement.
L’élargissement de la PCH depuis le 1er janvier 2023 aux personnes ayant des troubles mentaux, psychiques, cognitifs ou du neurodéveloppement entraine des besoins différents de ceux des bénéficiaires actuels et des réponses d’un autre type. Or, l’aide pour répondre à des besoins davantage éducatifs est encore plus difficile à mobiliser. Le rôle des SAVS et SAAP déjà présents, pourrait donc être étayé, tandis que davantage de liens pourraient être faits avec tous les acteurs de la protection de l’enfance.
Un enjeu de prévention
L’insuffisante connaissance du forfait parentalité, constatée dans chaque territoire et auprès de chaque acteur (PMI, CAF, ASE, services d’aide à domicile, travailleurs sociaux de polyvalence, acteurs du soin…), est une conséquence du cloisonnement des organisations et de la priorité donnée au « cœur de métier ».
Cependant, plusieurs départements ont reconnu que la mise en œuvre du forfait parentalité constituait une opportunité de renforcer les coopérations via la connaissance et le décloisonnement : entre les services départementaux et les partenaires, avec les dispositifs SAPPH et Intim'Agir.
Le forfait parentalité qui s’inscrit dans la politique du handicap concerne également la politique du soutien à la parentalité. Chacune de ces politiques publiques ont des logiques d’intervention différentes. Mais ces deux approches ne sont pas incompatibles, car elles s’appuient sur l’autonomie et le développement des compétences des personnes. Afin d’éviter tout malentendu qui serait préjudiciable aux personnes concernées, une confrontation des approches serait utile pour mieux appréhender les possibilités et les limites de chacun, contribuant ainsi à leur sensibilisation voire leur formation.
L’entourage familial du bénéficiaire constitue un acteur prépondérant l’accompagnant dans l’exercice de sa parentalité, il en va de même pour l’école. Il semble donc important de privilégier, quand cela est possible, des solutions d'accompagnement à la parentalité dans l’environnement de la famille, comme pour tout parent : famille, école… Cela serait d’ailleurs conforme à une approche inclusive.
Par ailleurs, l’existence d’éventuels dispositifs de soutien à la parentalité est méconnue par les bénéficiaires, tout comme par les professionnels. Il conviendrait donc de mobiliser les ressources du territoire (des SAVS et SAAP notamment) et de favoriser la connaissance des dispositifs de soutien à la parentalité.
Enfin, un repérage le plus tôt possible des futurs parents en situation de handicap (information des maternités, PMI, centres hospitaliers) permettrait de construire avec eux des réponses adaptées. D’autant que les jeunes parents n’ont pas nécessairement une perception des impacts du handicap sur l’exercice de leur future parentalité.
Conclusion
Bien que le nombre de bénéficiaires du forfait parentalité reste très faible, le coût pour les départements n’est pas négligeable, ce qui s’explique par le montant de ce forfait. Cependant, l’information sur l’existence de cette prestation ne semble pas suffisante pour garantir l’accès au droit.
Le principe du forfait reste très discuté, cependant, une éventuelle évolution de ses modalités d’attribution doit prendre en compte les impacts pour les MDPH, que ce soit en termes de charge de travail et de compétences requises, sans omettre les impacts pour les bénéficiaires. D’autant qu’il ressort de l’étude une large satisfaction des bénéficiaires, bien que la limite fixée à 7 ans d’âge pose question.
Si des bénéficiaires du forfait parentalité ont regretté l’absence d’accompagnement pour leur faire connaitre les possibilités d’aide, il a été constaté qu’une offre de service adaptée n’est pas toujours disponible car les besoins de ces parents nécessitent des compétences à la croisée du handicap et de la parentalité. Par conséquent, le soutien doit être recherché auprès d’une multiplicité d’acteurs, autant des professionnels que des pairs.
Si des réponses spécifiques sont nécessaires, la parentalité entraine des difficultés similaires pour tous les parents qui sont souvent seuls pour faire des choix et créer les liens nécessaires.
Pour aller plus loin : la publication analysant l’ensemble des résultats de cette enquête est d’abord mise à disposition des adhérents de l’Odas. Elle sera rendue publique en septembre et disponible sur le site odas.net.
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